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     Dalida: pour en arriver là

      

    - Et à part ça, Dalida,

    comment ça va?

    - Mal, et vous?

    (France 3, décembre 1986)

     

    http://www.youtube.com/watch?v=KWp5XZ76_Cw

     

     

    Dalida: pour en arriver làLe soir du 2 mai 1987, un samedi. Une femme de 54 ans, extrêmement connue en France et ailleurs, fait face à son reflet. Elle est assise dans le boudoir attenant à sa chambre, au dernier étage d'un hôtel particulier montmartrois qu'elle a acheté 20 ans plus tôt et sur lequel la nuit tombe. Elle brosse une longue et épaisse chevelure dorée qui a fait beaucoup pour son image internationale. Elle a troqué la tenue de soirée luxueuse contre un déshabillé de satin blanc très simple, viré le maquillage, les lentilles de contact, tout. Elle s'apprête à être elle-même définitivement. Satisfaite, elle se lève et ouvre la pharmacie dans la salle de bain contigüe à la chambre. Elle extrait 120 cachets d'une boîte, jette l'emballage soigneusement, referme la porte. Elle se dirige vers son lit, blanc lui aussi et plutôt austère, contrairement à l'image qu'elle véhicule publiquement. Elle s'assoit et commence à ingérer les cachets en les faisant passer à coups de whisky. Elle se lève et griffonne un mot sur une feuille à en-tête, qu'elle dépose en évidence aux pieds d'un bouddha souriant. Elle ouvre le lit, s'installe en position semi-assise, avale encore une gorgée d'alcool. Puis, pour la première fois de son existence, elle éteint la lumière pour dormir. Elle n'a plus peur du noir. Dans ce silence obscur, on perçoit les klaxons de la nuit parisienne, le brouhaha vague des hordes de touristes sur la place du Tertre. Et une respiration qui diminue d'intensité d'heures en heures. Immobile, dans le noir, le mot attend d'être lu: "La vie m'est insupportable, pardonnez-moi". La nuit passe autour de cette chambre où la femme respire encore, lentement, irrégulièrement. Dans une boîte à lettres de la rue Lepic, deux lettres sont mêlées aux dizaines d'autres. Deux courriers envoyés d'outre-tombe. L'une à son frère. L'autre à un homme qu'elle aime et qui ne l'aime pas. "Quand tu recevras ma lettre, je ne serai plus de ce monde. Cette lettre sera notre secret..." Immobiles, dans le noir elles aussi, les lettres attendent d'être apportées à leurs destinataires pour apporter un point final à l'histoire. Le matin se lève et la femme respire encore, très peu. Elle est livide. Dans le noir. Et à onze heure, ce dimanche 3 mai, un dernier souffle furtif décrète que c'est fini.

    Les années précédentes, elle a fait écrire et composer, sur commande précise et détaillée, des chansons qui lui ressemblent et qui n'ont pas marché, quand les pires idioties made in Orlando appuyaient sa notoriété de chanteuse facile et roucoulante. Ce sont là les derniers joyaux d'une personnalité hors norme, à réserver de la verroterie. Elle fait ainsi ré-écrire "A ma manière" spécialement pour elle: http://www.youtube.com/watch?v=JWPjBJY_gLA

    Avec des faux pas, des faux plis
    Chacun de nous, porte sa vie
    À sa manière
    Quand on est beau au fond de soi
    Un jour ou l'autre quelqu'un nous voitDalida: pour en arriver là
    À sa manière


    Même sous la pluie des mauvais jours
    J'ai suivi la ligne d'amour
    À ma manière
    Pour tous les chagrins que je traîne
    J'ai mis mon cœur en quarantaine
    À ma manière

    Ma vie, ma vie je n'en ai qu'une, mais je la veux
    Libre et sans loi, j'en ai le droit, elle est à moi
    Ma vie, ma vie, elle me raconte des histoires
    Mais elle vaut mieux qu'une chanson
    Mieux que la gloire

    Ma vie n'est pas vraiment ma vie
    Elle est à ceux qui m'ont choisi
    À leur manière
    En laissant mon nom dans les rues
    J'ai mis mon bonheur par dessus
    À ma manière
    Et le soir où je m'en irai, finalement, je le ferai
    À ma manière
    J'aimerais au tout dernier appel
    Faire mes adieux au Soleil
    À ma manière

    Ma vie, ma vie je n'en ai qu'une mais je la veux
    Libre et sans loi, j'en ai le droit, elle est à moi
    Ma vie, ma vie, elle me raconte des histoires
    Mais je m'en fous, même à genoux, je veux y croire...
    À ma manière.

    Ou crache "Partir ou mourir", qui passe inaperçue ou presque alors qu'elle consacre une déconstruction lente mais clairement entamée: http://www.youtube.com/watch?v=u5hq7XlpyUU

    Dalida: pour en arriver làMa vie prenait l´eau de partout
    En une lettre tout a chaviré
    Le ciel est sans dessus dessous
    Mais la planète continue de tourner
    Implorer quoi, appeler qui
    J´ai seulement envie de tout briser
    De mordre les draps de mon lit
    La rage au ventre je vais t´oublier

    Fini d´être là dans ta vie
    Comme une plante comme une photo
    J´ai envie de voire de la pluie
    De faire la planche sur des fleuves chauds
    Finie cette drôle de tendresse
    Que tant de femmes prennent pour de l´amour
    Moi j´ai des volcans plein la tête
    Et je vais m´arracher du fil des jours

    Et partir ou mourir ou dormir longtemps
    Et puis me réveiller un jour
    Dalida: pour en arriver làDans un autre temps
    Guérit de ton amour
    Et partir ou mourir ou dormir longtemps
    Et ne me réveiller jamais
    Arrêter le temps comme si j´avais rêvé

    Fini de plonger dans le vide
    Et de danser sur des sables mouvants
    La peur du temps, la peur des rides
    Quitte à vieillir que se soit au présent
    Je veux réapprendre à courir
    Voir des éclats de soleil dans mes yeux
    Je veux attraper des fous rires
    Vivre en jetant de l´huile sur le feu
    Et partir ou mourir ou dormir longtemps
    Et puis me réveiller un jour
    Dans un autre temps guérie de ton amour
    Et partir pour mourir ou dormir longtemps
    Et ne me réveiller jamais
    Arrêter le temps
    Comme si j´avais rêvé.

     Dernière apparition télévisée, mars 1987

    Elle dresse un bilan amer et déprimant en expliquant carrément comment on fait "pour en arriver là":

    Dalida: pour en arriver làhttp://www.youtube.com/watch?v=_rPg4j88GdQ

    J'ai traversé des nuits et des jours sans sommeil
    Pour en arriver là
    J'ai eu chaud sous la pluie et froid en plein soleil
    Pour en arriver là
    J'ai parlé à la peur et fait taire le silence
    J'ai maquillé les heures j'ai vendu des dimanches
    Pour en arriver là, pour en arriver là

    J'ai pleuré tant de fois que je n'ai plus de larmes
    Pour en arriver là
    Je suis tombé cent fois mais sans tomber les armes
    Pour en arriver là
    J'ai marché sur ma vie plus souvent qu'à mon tour
    J'ai mis le mot fini presque à tous mes amours
    Pour en arriver là, pour en arriver là

    [refrain] :
    Pour en arriver là
    J'ai trop douté de tout de moi, de Dieu, de vous
    J'ai laissé derrière moi tous mes rêves d'enfance
    Aujourd'hui j'ai le c?ur presque en état d'urgence
    Pour en arriver là
    Je crois bien qu'avec vous si j'avais rendez-vous
    Sans l'ombre d'un regret
    Pour en arriver là
    Je recommencerai

    J'ai appris à hurler juste en dedans de moi
    Pour en arriver là
    Pour ne pas vous montrer qu'on me montre du doigt
    Dalida: pour en arriver làPour en arriver là
    J'ai fait le tour du Monde mais je n'ai rien pu voir
    L'absence est si profonde qu'elle salit mes miroirs
    Pour en arriver là, pour en arriver là

    Pour en arriver là
    J'ai souvent oublié de prendre deux billets
    Ou de dire attends-moi
    Pour aller nulle part, j'ai mis dans ma mémoire
    Que des débuts d'histoires
    Pour en arriver là
    Je crois bien qu'avec vous
    Si j'avais rendez-vous
    Sans l'ombre d'un regret
    Je recommencerai
    Pour arriver là.

    Et l'on pourrait continuer longtemps dans ce rayon autobiographique de haute volée, avec des titres bien écrits, interprétés avec maestria ("Mourir sur scène", "Pour ne pas vivre seul", "Lucas", "Tout au plus", "Téléphonez-moi", "Bravo", "Et tous ces regards"...)  donnant libre cours à ce qu'elle nommera finalement elle-même quelques mois avant de tout arrêter: "Ma vocation profonde, c'est la tragédie".

    Problème d'image: Orlando son frère, qui gère sa carrière depuis 1970, tient tellement à la maintenir dans sa statue de Diva kitsch au sourire Colgate, enplummée, pailletée, égérie d'un certain milieu gay qui l'étouffe, dansant sur des airs faciles ou disco, qu'il prête une attention plus que légère aux choix et aux désirs artistiques de sa soeur, nettement plus profonds et autrement plus ambitieux. Dalida: pour en arriver làOn lui accordera peut-être également la fuite en avant qui consisterait à nier toute tendance dépressive chez sa soeur adorée en la maintenant dans un rôle coloré, sans saveur, limite ringard, mais sans danger à ses yeux. La dernière demande de Dalida à son producteur de frère aura été de retrouver l'Olympia, une salle qui lui va bien, sans show, sans plumes, sans danseurs maniérés. Elle lâche "j'en ai tellement marre de lever la jambe, terminé Paradisco et Reggae, on fait le ménage...", elle veut juste "deux ou trois changements de robes pour faire plaisir aux gens, un orchestre derrière un tulle, mes chansons fortes et moi face au public pour les défendre...", elle supplie presque de retrouver ses racines dans un exercice où, époque oblige (elle a plus de 50 ans et son milieu à présent, c'est Jeanne Mas, Mylène Farmer, Rita Mistouko...), si elle veut échapper à la ringardisation qui déjà la cerne, elle doit montrer où est sa différence, quel est son savoir-faire: ce tempérament d'interprète trimballant un passé lourd et légendaire, qui lui permet d'habiter des chansons coup-de-poing dans Dalida: pour en arriver làla gueule en se sentant enfin en paix. L'harmonie, paroles et musiques, l'harmonie avec ce vide qui la dévore. Ca, elle peut le faire, et mieux que n'importe qui. Orlando refuse. Car une comédie musicale est en voie de sortie: "Cléopâtre", à Bercy. Elle doit en tenir le rôle principal à 55 ans. Absurde, et elle le sait. Il fantasme sa soeur en pharaonne et ne voit pas -ou refuse de voir- qu'elle se fissure, que le masque ne tient plus, qu'elle ne veut pas d'un show de plus, démesuré, scintillant, à l'opposé de ce qui vit en elle. La taille du livret la terrifie, l'immensité de la salle aussi, la pression et sa crédibilité déjà fort mal en point. Elle ne veut pas dominer ou se carresser l'égo, elle voudrait simplement un dialogue avec ceux qui l'aiment, une salle aux dimensions humaines, les applaudissements mérités parce qu'obtenus sans artifices, uniquement en dégueulant ses tripes en pleine lumière sur des chansons de qualité qui lui rendraient sa vraie place: celle d'une artiste de talent, introvertie, sensible et intelligente, et non cette vamp clinquante vendue à France Dimanche, Ici paris et Nous deux, décorée comme un sapin de Noël pour des émissions de variété où elle ne brille plus que par sa tenue, faute de matériel à défendre et d'image correctement placée.

    Seychelles, 1986: pratiquement défigurée par le vide intérieur

    Le cas Dalida n'est pas facile: production protéïforme, s'étalant sur 3 décennies, mélangeant joyaux et verroterie. Dalida: pour en arriver làRéputation bien assise: disco, paillettes, mélo à deux balles, diva gay et tout ce vent régurgité par Orlando et la plupart des médias mainstream capitalisant sur des émissions hommages et des coffrets dvd qui marchent plutôt (très) bien parce que l'histoire est vendeuse: la gloire est le deuil éclatant du bonheur, ça plait toujours.

    Si le travail d'Orlando aura permis à Dalida de traverser les decénnies et de rester présente près de 30 ans après sa mort, force est de constater que c'est en appuyant toujours le même répertoire et la même légende et en la figeant définitivement. De son vivant, le travail du producteur laisse dubitatif. Quand à cette obsession de "Diva" collée sur la moindre apparition de sa soeur, ce n'est un mystère pour personne que la seule diva dans le tandem, c'était lui et non elle.

    Votre serviteur pose un postulat de départ gonflé mais sincère: modestement consacrer à Dalida une chronique "autrement",  car elle mérite au moins cela.

    Le suicide est toujours une déclaration de guerre: c'est la conclusion d'un état de siège ou l'intervenant, sentant la défaite ou l'aspect inéluctable de ce qui l'entoure, décide d'en finir. Mais que l'on ne s'y méprenne pas et que l'on garde bien les pieds sur terre avec cette idée en tête: le suicide n'est pas romantique, il n'entre pas dans la légende. C'est la défaite brutale et sans appel d'un entourage, d'une vie, l'aveu d'un mensonge insupportable dans la traduction donnée d'un individu. Qu'il soit rendu à Dalida cette honnêteté féroce: plutôt que de tricher confortablement ou se gargariser en écoutant son frère lui chanter son statut de soi-disant déesse, elle a préféré observer son visage, sa vie, son univers avec une lucidité et une intelligence qui forcent le respect.

    Si son oeuvre est bigarrée -et c'est le moins que l'on puisse dire-, c'est que le parcours de la femme, et la femme elle-même, le sont tout autant. Nous parlons quand même d'une jeune fille qui, a 19 ans, quitte son petit village d'Egypte pour Paris, toute seule. En 1954, ce n'est ni tout à fait de la foi ni complètement du courage mais un mélange des deux ajouté à une bonne dose d'inconscience et de caractère. Elle y trouve la réussite trois ans plus tard en devenant l'égérie de Lucien Morrisse, le patron d'Europe 1. C'est lui qui crée Dalida première mouture: un personnage exotique, qui vocalise sur fond de mandoline, entre Gondolier et Enfants du Pirée, Bambino et Come Prima, Ciao Ciao Bambino et tutti quanti. Elle aligne les tubes devenus cultes et vintages. Elle devient une vraie star fifties, jupes évasées, talons aiguilles, elle épouse son pygmalion, elle a l'argent, les grandes maisons, le prestige, elle pense peu, sinon à réunir sa famille autour d'elle illico, et pour le reste tout va bien, à priori fermez le ban.

    Dalida: pour en arriver là

    Hélas, la jeune fille a beau se répéter qu'elle a tout, elle s'avère entière: mariée depuis 3 mois, elle plaque le tout-puissant patron et va vivre avec un peintre, Jean Sobieski, dont elle est folle amoureuse. Morrisse, humilié, essaye de la briser et ses moyens sont grands: élimination de ses disques à l'antenne, contacts avec les maisons de disques pour bloquer les enregistrements de "sa" chanteuse, tout y passe, et surtout la pompe à mauvaises langues parisiennes qui tourne à plein régime. Ok, elle ne s'est pas mariée avec Lucien Morrisse par opportunisme, alors, pour faire court, partir après 3 mois pour un peintre, c'est que c'est une pute. C'est dans ces conditions qu'elle a le culot de se présenter à l'Olympia en 61. La salle est gavée de ces mêmes vipères qui la déclarent aussi salope que finie. Elle peut compter sur le soutien de Brassens (nettement moins snob qu'une bonne partie du public qui se réclame de lui, ce qui est typique, les artistes dit de qualité, ces intouchables que sont Brel, Ferré, Barbara, Gainsbourg et autres n'ont jamais été sectaristes ou suffisants devant leurs collègues plus populaires) et celui de Piaf, qui vient la voir exprès pour peser de tout son poids dans une histoire qu'elle aurait très bien pu vivre elle-même. Dalida: pour en arriver làTout plaquer et tout remettre en jeu pour un homme, ça lui parle. Elle lâche à l'attention du parterre: "la petite, elle en a dans le ventre, c'est une battante, comme moi"! Lucien Morrisse est au premier rang. La salle est prête à bouffer du lion. Dalida se présente, accueil froid. Trois chansons et la température ne remonte pas. La chanteuse serre les dents et balance comme si ça vie en dépendait "...Je me sens vivre parce que je suis aimée de toi...". Chacun comprend que c'est à son peintre qu'elle s'adresse, et Lucien Morrisse est bien forcé de s'incliner. Fin de chanson, il se lève pour l'applaudir, la salle suit, elle a vaincu. Lucien et elle resteront amis jusqu'à la mort de ce dernier en 1970.

    Avec Brassens, rafraîchissante absence de snobisme.

    En attendant, elle entame la décénnie sixties en évoluant: Dalida: pour en arriver làelle s'affine, laisse tomber le make-up et c'est comme si une autre femme naissait. La trentaine épanouie et éclatante, le cheveux beaucoup plus clair et sans apprêt, elle se fond dans l'air du temps facilement. L'idylle avec Sobieski a vécu. Passent des hommes plus ou moins longtemps, dont Luigi, un étudiant de 19 ans qui veut l'épouser. Elle refuse de l'enchaîner si jeune et... avorte de l'enfant qu'elle attend de lui sans rien dire. Le destin veille évidemment: elle ne sort pas indemne de l'opération qui se passe très moyennement. Stérile, et c'est sans appel. Un bambino? Ce sera jamais. La gamine déguisée en vamp devenue jeune femme libre et blonde commence à collectionner les pelles dans la gueule. Et ce n'est qu'un début. Elle poursuit sa carrière, dompte le yéyé en attendant des jours meilleurs, se moque d'elle-même dans une chanson ou elle nomme toutes les idoles du moment et lance sur les refains: "Et Dalida? Elle est encore là!". Elle travaille, quoi.

    En 1967, elle est la marraine de Luigi Tenco au festival de San Remo. Dalida: pour en arriver làPrincipe: une star et un débutant défendent une chanson en équipe. Ils portent ensemble la chanson de ce dernier: "Ciao amore, ciao". Le soir du festival, Tenco passe et se montre explosé de trac. Performance médiocre. Dalida le suit et c'est évidemment autre chose: le métier et le charisme font la différence, la chanson est très bonne et ça s'entend enfin. En attendant les résultats, elle le console en lui parlant d'avenir, de gloire, de succès à venir... et d'eux. Car elle est amoureuse de Tenco et il est amoureux d'elle. Ce n'est pas exact: ils sont littérallement dingues l'un de l'autre, coup de foudre immédiat dès la première rencontre. Ils se sont tus afin de ne pas influencer le vote du jury, Tenco tenait à ce que l'on ne juge que sa chanson. Il est servi: éliminé. Il part s'isoler pendant le dîner qui suit le spectacle, il dit à Dalida qu'il n'a pas le coeur de rester. Elle comprend mais s'inquiète et quitte finalement les convives qui l'entourent une heure plus tard pour courir retrouver dans leur chambre au Savoy son Luigi déçu qu'elle veut soutenir au lieu de faire bonne figure dans des mondanités. Elle le trouve

    Luigi Tenco

    étendu à terre, voit le sang mais ne réalise pas. Agenouillée à ses côtés, elle lui soutient le tête et réalise que c'est sa cervelle et des os brisés qu'elle sent dans ses mains. Elle ouvre grands les yeux dans la pénombre et voit le mur, le tapis qui est devenu noir et trempé à ses pieds, le sang sur sa robe, elle serre la tête éclatée contre elle et hurle, hurle, hurle jusqu'à ce que le personnel, les organisateurs et enfin son entourage déboulent et parviennent à l'arracher du corps de Tenco.

    La mort de Luigi reste un mystère, avec une nouvelle commission d'enquête mandatée en 2012 et en 2013. Assassinat possible. Le résultat pour Dalida est le même: Luigi Tenco est mort.

    Elle quitte le festival le soir-même. Le cerveau anesthésié. A Paris, murée dans un silence assez inquiétant, elle ne partage avec personne la béance qui sourd en elle jour et nuit. Devenue insomniaque, elle ressasse l'enchaînement des événements en fumant comme une cheminée. Elle fait une émission télé et chante "Ciao, amore, ciao", le visage figé, le regard mort, dans la robe qu'elle portait le soir du festival. Tout cela est parfaitement voulu et pensé de sa part. Elle prétexte un voyage en Italie pour se recueillir sur la tombe de Tenco (et fuir la surveillance insistante de son entourage et famille) et part seule pour l'aéroport. Elle n'y arrivera jamais. En réalité, exactement un mois après la mort de Tenco, elle a réservé une chambre dans un palace parisien, s'y enferme, revêt la robe maudite et avale une dose fatale de barbituriques. Pas d'appel au secours, rien. Juste un mot pour dire qu'elle veut rejoindre Luigi et qu'elle demande pardon. Déjà. Hasard: dans l'après-midi une femme de chambre se trompe de numéro pour le ménage et force la porte, croyant pénétrer dans une suite inoccupée, elle trouve une femme inconsciente et livide. Dalida est emmenée en urgence, dans le coma. Elle y restera 6 jours. Quand elle se réveille, Lucien Morrisse est à ses côtés. Elle lui souffle: "Ne fais jamais ce que j'ai fait".

    Dalida: pour en arriver làLa voilà, ayant échappé à la mort de justesse, avec un abîme de questions, de peurs, ne se retrouvant ni dans la vie qu'elle mène ni dans les chansons qu'elle chante. C'est la première conséquence majeure de ce voyage d'entre les morts: le répertoire vire à 180° et Dalida exige dorénavant un sens, des mots, des thèmes qui lui parlent et dont elle veut parler. Elle étudie la philosophie en filière libre, anonyme, assiste à des conférences sur le vie et la mort, commence une psychanalyse, dévore un livre après l'autre. Elle a soif de culture, d'apprendre, de comprendre. Elle dit joliment: "Il y a en moi un parlement, et tout ce monde ne s'accorde pas". Elle rencontre Arnaud Desjardin, philosophe et bouddhiste, et le suit en rentraite jusqu'en Inde. Vivant dans un ashram, dénué de tout confort, elle demande à un sage le sens de sa vie, confie qu'elle veut abandonner son métier, se trouver, être en paix. Le sage demande à entendre ses disques, elle les fait envoyer de Paris et il écoute. Il lui dira que son rôle est d'apporter du bonheur aux gens par la chanson, et que c'est cette dernière qui est le vrai sens de sa vie. Exit l'abandon de carrière donc. Mais le changement entamé dans le répertoire va devenir radical. Epure, textes, mise en scène, tout concourt à exprimer une femme revenant de loin pour partager des mots choisis et une expérience. Jusqu'en 1978, sa carrière est presque intégralement consacrée à une discographie qui, si elle peut encore se faire légère pour le plaisir d'un sourire, fuit la médiocrité et la performance commerciale obligatoire. Léo ferré lui propose de reprendre "Avec le temps", Lama lui offre "Je suis malade", Fugain "Entrez sans frapper", Sardou "Chanter les voix", et une pléïade d'autres titres issus d'auteurs de tout premier plan qui devraient figurer au sommet de la discographie de Dalida. Travail sincère, interprété avec une conviction sans faille, nourri de ses blessures, de ses questions.

    En 1970, Lucien Morrisse se suicide. Une balle dans la bouche. Ca commence à faire beaucoup. Dalida accuse le coup et continue, sans se plaindre, comme d'habitude.

    En 1971, elle loue l'Olympia à ses frais puisque Coquatrix ne croit pas à son nouveau répertoire sérieux et pense qu'elle fera un four. C'est tout le contraire, la presse et le public découvrent une artiste totalement métamorphosée sortant de l'ombre, une simple robe blanche Balmain, immaculée, pratiquement zéro maquillage, pas de bijoux et des titres âpres, mélodiques, toujours, mais au contenu sensible et travaillé. Elle tient la scène de façon magnétique, un port altier, des expressions du visage justes, la voix qui, sous chaque intonation, mord dans les mots, leur donne une place, un sens, une force. Sa gestuelle est sobre, précise et sculptée, on est pas loin d'une Piaf à ce niveau. Lorsqu'elle souligne un mot, une phrase, le geste se fait mesuré ou ample, mais toujours juste. Un tempérament de comédienne s'affirme, elle est habitée par certains titres, possédée même, transformant par exemple le "Je suis malade" de Lama en une expérience tellement personnelle et déchirée ("...tu m'as privée de tous mes chants, tu m'as vidée de tous mes mots...") que le grand Serge lui-même reconnaîtra que si le titre est devenu un classique, c'est grâce à elle et non à lui. Elle tourne dans le monde entier, pays arabes, europe, pays de l'est, Canada et triomphe partout où elle passe. Elle renouvelle le lien avec le public par la même occasion, en injectant une telle dose d'autobiographie dans ses chansons qu'il ne peut que se sentir invité à la comprendre. En 1974, elle entre en scène avec une chanson écrite juste après Tenco 7 ans plus tôt, les projecteurs incendiant la blondeur de sa crinière alors que le visage est volontairement plongé dans la pénombre, une vision sciemment mise en scène de façon sobre mais marquante, le tout en chantant une prière qui n'est pas sans évoquer le boléro de Ravel et à l'écoute de laquelle chacun sait immédiatement de qui elle veut parler:

    Si... vous l'avez un jour connuDalida: pour en arriver là
    Si... vous l'avez juste aperçu
    Si vous savez ou il est à présent?
    Entrez sans frapper chez moi,
    Vous êtes d'avance un ami
    Entrez sans frapper chez moi,
    Nous parlerons ensemble... de lui

    Si... vous avez un jour aimé
    Si... vous vous n'avez pu vivre après
    Qu'en murmurant le prénom de l'absent
    Entrez sans frapper chez moi
    Vous êtes d'avance un ami
    Entrez sans frapper chez moi
    Nous chercherons ensemble... l'oubli

    Si... vous avez le souvenir
    D'un amour qui su refleurir
    Si vous savez comment y parvenir?
    Entrez sans frapper chez moi
    Vous êtes d'avance un ami,
    Entrez sans frapper chez moi
    Et donnez moi le secret de... la vie

    Mais... si votre cœur est si grand
    Qu'il peut chasser tous mes tourments
    Si vous venez me redonner l'amour
    Entrez sans frapper chez moi
    Vous êtes d'avances un ami
    Entrez sans frapper chez moi
    Je vous attend depuis...
    Toujours.

    Dalida: pour en arriver làPas loin de réussir un changement d'image complet et pour le meilleur donc: à l'aube de la quarantaine, elle apparaît comme calmée, plus sereine. Rien n'est plus faux, elle est toujours aussi angoissée mais côté métier, ça le fait: quelques chansons légères mais pas idiotes pour le plaisir de pétiller comme un verre de champagne, des airs qui se fredonnent(Darladirladada, Gigi l'amoroso, Le petit bonheur...) pour alléger la dose de tragédie injectée dans son tour de chant. Un répertoire majoritairement revitalisé, habité par un regard sur la vie, la mort et l'amour ("Il y a toujours une chanson", "Des gens qu'on aimerait connaître", "Pour qui, pour quoi?", "Il venait d'avoir 18 ans", "Pour ne pas vivre seul", "Quand s'arrêtent les violons", "Le temps des fleurs", "Julien", "Mon frère le soleil", "Je suis malade" et des dizaines d'autres). Elle vit avec Richard Chamfray depuis 1972 et aussi dingue soit-il, il la comble et c'est une période d'épanouissement physique évident, de sensualité maîtrisée. Dalida: pour en arriver là

    En 1978, Orlando a l'idée de la faire surfer sur la vague disco avec une reprise de "J'attendrai" qui fait un gros tube, suivie de "Génération 78", un medley de ses vieux succès arrangé à la sauce disco qui marche encore mieux. Le triomphe en chantant le passé alors qu'elle mettait un point d'honneur à présenter un répertoire intemporel... En résumé, ce changement revient à la déraciner complètement du domaine où elle excelle et gagne une réputation enviée et méritée. C'est parti pour la starification du personnage et son utilisation abusive dans un univers de codes gay, avec des titres qui parlent ouvertement d'homosexualité -"Depuis qu'il vient chez nous". Si Dalida n'est pas insensible à cette cause et se montre largement en avance sur son temps, ce qui est tout à son honneur, elle est également utilisée par son frère à des fins de promotions, ce qui l'enferme dans un statut d'icône qu'elle n'a pas voulu, mettant un point d'honneur à chanter pour tout le monde sans exception. Sincère, elle ne flatte pas le public homo pour récolter des parts de marché, simplement elle en parle comme elle parle de tout le reste. Dalida: pour en arriver làOr, en parler à l'époque induit une identification immédiate, une connotation qu'elle va trimballer jusqu'à aujourd'hui.  Quoi qu'il en soit, show et revues au menu donc. Une fois de plus, virage complet et plus perturbant: il apparaît que si c'est là l'idée de son frère, Dalida semble néanmoins continuer à ne pas trouver un épanouissement dans sa vie et cherche encore et toujours une voie pour y arriver. Si c'est dans le show que se trouve la réponse au bonheur, alors elle ira au show. Et de l'épure, on passe sans ménagements au clinquant: bijoux, robes, maquillage, coiffure, tout devient étincelant. Chorégraphies quelque peu exagérées avec des boys déguisés en clones de village people, l'influence Orlando comme à peser lourd dans la balance. Ca commence correctement avec un "Monday, Tuesday" tubesque et sympa qui va la propulser en reine du Disco à la française.

    1980, Orlando, omniprésent et commençant à prendre une importance exponentielle dans la carrière de sa soeur, donneDalida: pour en arriver là un coup de barre encore plus loin et ils montent le Palais des Sports, un show "à l'américaine" où, pour de bon, Dalida s'exhibe en claque et paillettes, résilles et talons, jambes dénudées, démarches prédatrice, répertoire offrant une synthèse exacte de la direction prise: du disco mêlé à des chansons à texte Dalida: pour en arriver làdéfendues avec rage (et qui au passage seront les plus grands triomphes public du show malgré les décors et le reste) et des tableaux destinés à alimenter l'aspect "revue" ("Money, money", "Gigi inparadisco"...) autant de concessions au son de l'époque -et encore, en passe d'être fini- pour être dans le vent, en oubliant gaiement que rien ne se démode aussi vite que... la mode. Le spectacle est un succès et l'équipe de Dalida estime qu'ils ont présenté là ce qu'elle a fait de mieux. La réalité est autre et devrait les alarmer: pour apprendre à danser, Dalida s'est investie d'une façon pratiquement neurasthénique et pour le Palais des Sports, elle est terrorisée au point qu'elle perd sa voix. Elle a toujours été extrêmement traqueuse mais là, elle est tout simplement aphone. Résultat: il faut la mettre en playback sur plusieurs titres, elle qui n'a jamais eu besoin de ça auparavant. Et elle recommence à fumer. Tout le monde se félicite de voir une show woman de 47 ans pousser aussi loin l'apprentissage et la maîtrise d'une discipline nouvelle, sans voir ce qu'il y a derrière tout ce bazar. S'étourdir de travail jusqu'à la maladie ne mènera qu'à une implosion inévitable, car les livres sont rangés, le recueillement aussi, il faut bouger, courir, se diluer dans une suractivité qui est une fuite en avant face à quelque chose que le public ne voit pas: une solitude de plus en plus envahissante, un isolement du monde extérieur qui laisse la voie libre à des idées noires qui tournent à vide. 

    Quelques chansons correctes, amusantes ou immédiatement cultes ("Salma Ya Salama", "Comme disait Mistinguett"...) mais aussi un festival de grand n'importe-quoi ("la chanson du Mundial", "Si la France", "Pour te dire je t'aime", "Kalimba de Luna", "Captain Sky", "Americana", "Chanteur des années 80", "Là où je t'aime"...) qui, alliées à sa présence amicale aux côtés de Mitterrand -qui fait jaser, et c'est rien de le dire- et à la dimension devenue caricaturale du personnage trop pailleté achève la possibilité d'écoute des pans plus sérieux de son répertoire. Mélange de genres un peu déstabilisant car en finale, on peut se retrouver avec un album qui propose à présent le meilleur et le pire sans complexes. Au palmarès de ces catastrophes: "Femmes", adaptations de "Smile" de Chaplin, sommet de kitscherie virant au ringard (mauvais texte, mauvais arrangement, mauvaise chorégraphie, le tout emballé comme s'il s'agissait d'un diamant) ou encore "Pour te dire je t'aime", adaptation de "I just call to say I love you" de Stevie Wonder, version monoprix, avec un texte une fois de plus médiocre et vite torché:

    Pour te dire je t'aime comme avant

    Je pourrais brûler un océan

    Pour te dire je t'aime à présent

    Je pourrais marcher au-dessus du volcan...

    A pleurer tant c'est désespérant.

    Le show du palais des sports va tourner jusqu'en 1987, en y insérant quelques singles récents par-ci, par-là. Mais globalement Dalida est enfermée dans un canevas et n'en bougera plus. Reste les chansons éparpillées au fil des albums et évoquées au début de cette chronique, ces pages autobiographiques déchirantes présentant un démenti cinglant face au clinquant vendu par Orlando. Des chansons laissées à l'auditeur comme un post-scriptum, comme des excuses pour le reste.

    Au début des années 80, pour un show télé des Carpentiers, elle interprète une scène en qualité de comédienne et non deDalida: pour en arriver là chanteuse: "La star déchue". Interprétant une ex-star russe mi bourrée, mi-narcisse en morceaux qui passe un coup de fil à 3 heures du matin à un grand cinéaste, et elle joue bien. Passé un moment (à 2' exactement) le jeu se décale, quelque chose se passe et elle vomit ses béances face caméra: solitude, désespoir, absence d'enfants, vieillesse... Le sketch devient cryptique et offre à l'évidence un écho violent à ce qui l'habite alors. Le spectateur a mal pour elle et avec elle, d'autant que le cynisme est poussé jusqu'au final où, lâchant le téléphone, on entend distinctement que l'homme à qui elle racontait sa vie en ruine n'existait pas, elle faisait semblant, car une voix répète: "l'abonné que vous avez demandé n'est pas disponible"...  http://www.youtube.com/watch?v=hHqQqPqKRR8

      

    La star déchue: le masque se fêle

    Dalida et Richard Chamfray se sont quittés en 1980, union impossible. Il se suicide en 1983. Et de trois. Tenco, Morrisse, Chamfray. Elle se ferme comme une huître à la moindre évocation de ses compagnons du passé. C'est un coup de massue supplémentaire et déjà que le moral n'était pas vraiment au rendez-vous, là, l'année de ses 50 ans, elle sombre carrément dans un découragement profond, une lassitude qui devient visible. Le masque se fissure et sa fragilité commence à exploser en télé: la peau, le regard, le maintien, tout indique, malgré elle, une femme en voie de fracture.

    Dalida: pour en arriver làDernier sursaut en 1986, alors que la dépression la ronge, elle s'investi enfin dans unDalida: pour en arriver là projet qui la touche. Elle tourne en Egypte pour Youssef Chahine "Le sixième jour", adaptation du roman d'Andrée Chedid, où elle prend à bras le corps un rôle de grand-mère frigide, intérieurement brisée; un rôle sobre et demandant beaucoup. Chahine derrière la caméra lui dit: "tu as eu des malheurs dans ta vie, donne-les moi!" et elle s'exécute. Subtilement, elle injecte tout ce qu'elle porte en elle dans le personnage et c'est une actrice qui naît. Et lorsque son partenaire lui dit: "Personne n'a ton sourire" et qu'elle répond, le regard dur et délabré: "Ce n'est plus un sourire, c'est une cicatrice", on sent que Yolanda affleure et que Dalida rend les armes.

    Le film la réhabilite artistiquement, c'est sa qualité majeure. Une presse unanime et dithyrambique, louant la naissance d'une vraie comédienne. L'avenir semble tracé à l'évidence. Elle a le charisme, la palette, le jeu, la subtilité, le regard. Gros avantage du cinéma également: l'âge peut s'assumer plus facilement, un rôle offrant une épaisseur que la chanson ne permet pas toujours et certainement pas pour elle. Elle est fière de ce film, fière de son rôle. Le succès public n'y est pas, ça la touche tout en étant consciente que le cinéma d'auteur et la Dalida du film ont de quoi désarçonner. Son public est majoritairement simple, peu cérébral -toujours ce décalage d'image- et la suivre dans ses tourments et sa noirceur, c'est exiger beaucoup de lui. Peu importe finalement, on sent qu'une voie royale s'ouvre devant elle, on l'imagine sortir enfin du personnage bidon et exploiter ce talent massif trop peu sollicité qu'elle porte comme un enfant. En promo, elle montre progressivement un visage de plus en plus franc et une fragilité laborieusement dissimulée, lâchant même un soir, sur France 3, à une journaliste qui lui demande:"Et sinon, Dalida, comment ça va?" un cruel et désenchanté "Mal, et vous?".

    Dalida: pour en arriver là

                                                                     1986 - En promo pour le sixième jour, le regard est éloquent.

    Sa vie privée est désertique, elle a fuit la cour d'homos efféminés qui la barricadaient et l'ont coupé de l'extérieur, s'isole complètement, ne tolérant que son habilleuse Jacqueline à ses côtés. Elle passe ses nuits à fumer en regardant des vidéos, dort le jour et fatalement assurer la moindre obligation professionnelle devient une épreuve. La fin est pathétique.

    Dalida: pour en arriver làUn mois exactement avant de tirer sa révérence, elle assiste à une réunion de son fan-club, qui l'ovationne. Elle sembleDalida: pour en arriver là menue, fragilisée, sourit par habitude. Elle leur lance: "j'espère vous avoir toujours avec moi et ne jamais vous décevoir"... Tout est en place pour le saut final de toutes façons, en secret, elle a mis ses papiers en ordre, consulté son notaire.

      

      2 avril 1987

    Le décompte a commencé, il suffira d'un rien pour que ça s'arrête. Le 30 avril 1987, elle donne un dernier concert à Antalya, en Turquie, devant le président et 5000 spectateurs. Deux jours plus tard, c'est terminé.

      

      30 avril 1987, deux jours avant la fin.

    La semaine de sa mort, elle devait enregistrer un nouvel album. Des "chansons gaies, ensoleillées" composées par... Jacques Morali, le producteur des Village People. Le tout mis en place par Orlando, bien entendu. On croit rêver... Le frère veut faire oublier la "dame en noir" du film, ne voyant pas qu'il n'y a rien d'autre pour la remplacer. Alice Dona, elle, a proposé une chanson à Dalida. Elle ne l'enregistrera jamais, disant qu'elle ne pourrait pas la finir. Trop près de ce qu'elle vit au quotidien.

    Fatiguée
    (P.A. Dousset / J. Demarny - A. Dona) 1987

    Fatiguée
    Mais alors fatiguée
    Dans cette maison vide aux glaces sans pitié
    Devant ce trop grand lit d'absences et de regrets
    Avec le souvenir des fêtes du passé

    Fatiguée
    Mais alors fatiguée
    Avec le fil des jours sans âme et sans amour
    Avec ce piano blanc et ce silence autour
    Avec comme une envie d'appeler au secours

    Allez viens
    Si tu existes un peu, oh fais-le moi savoir
    Même si je n'y crois plus, je veux encore y croire
    Redonne moi envie, rien que par un regard
    De rire, de chanter, enfin de vivre
    Allez viens
    Et si tu m'aimes un peu, même si tu fais semblant
    Moi je jouerai le jeu, je brûlerai vraiment
    Quelque part dans le coeur on a toujours vingt ans

    Fatiguée
    Mais alors fatiguée
    Devant ce rideau rouge qui s'ouvre sur ma peur
    Avec mes yeux brulés aux feux des projecteurs
    Et ce ressort cassé à la place du coeur

    Fatiguée
    Mais alors fatiguée
    De jouer les divas derrière un téléphone
    Avec le sentiment de n'être plus personne
    Et découvrir l'hiver sans avoir vu l'automne...
     

    Dommage, là aussi.

    Alors, justement, fatiguée, épuisée de faire semblant d'être heureuse, Dalida se tue. Et ce fut tout.

      


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