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    Part II: In the recording studio

    Enregistrer est pour un chanteur la fonction essentielle, sa respiration propre.

    C'est une fonction vitale qui demande une approche extrêment concrète et dans laquelle l'absence de talent ne pardonne pas: un micro de studio vous capte jusqu'aux limites de vos possibilités.

     

    On pourra arguer qu'il y a moyen de biaiser, d'en faire des tonnes grâce à la cosmétique de la technologie. C'est vrai. Mais ces effets ne parviennent jamais à masquer l'absence de talent, quoi que l'on fasse. Ou pire: ils la révèle.

     

    Un artiste peut être plus doué pour la scène que pour le studio et inversement. Ceux qui manient les deux avec une égale aisance -sachant qu'il s'agit de deux chants, deux projections, deux concentrations totalement différentes, qui font appel à des

                                                                                                                                                                                                                          Just having fun baby. Ca vient ces cheeseburgers?

    ressorts tout à fait spécifiques- sont exceptionnels. On pourrait citer pêle-mêle Piaf, Brel, Tina Turner ou encore Freddie Mercury, qui étaient ou sont de véritables cadeaux pour ingénieurs du son tout en ayant les capacités d'expression scénique que l'on connaît.

     

    Part II: In the recording studioLes rois du studio? Les Beatles Part II: In the recording studiobien entendu, qui ont révolutionné de fond en comble la création d'un album. Sur scène c'est franchement pas terrible, mais enfermés avec des consoles, ils sont visionnaires et leur génie explose. Encore aujourd'hui, l'héritage des fab four est utilisé, qu'il s'agisse de techniques ou de conceptualisation artistique d'un enregistrement.

      

    Autre empereur des studios: Michael Jackson, probablement l'artiste contemporain ayant épuisé toutes les possibilités de cet art jusqu'à la névrose complète.Part II: In the recording studio Capable de tout imaginer, de tout essayer. Doué d'une inventivité unique pour définir un spectre sonore total. Le live est pour lui un handicap, en particulier à partir de la trentaine. D'où l'utilisation allant jusqu'au ridicule du playback complet à partir de 1992. Chanter en direct s'accomode très mal de son inclination à répéter jusqu'à l'épuisement ne fût-ce qu'un mot ou une note pour placer le minuscule élément dans une architecture complexe et hyper structurée. Le studio en revanche lui offre tout le loisir d'aprofondir cette quête de perfection qui le soumet à une pression croissante qu'il gère tant bien que mal. Le résultat se passe de commentaires, il est jusqu'à aujourd'hui inégalé.

     

    Les techniques de studio ont énormément évolué avec le temps, et c'est peu de le dire. L'artiste enregistre seul « en bocal » avec les musicos qui jouent chacun en même temps, séparés pour tenter d'obtenir des pistes propres. Ou encore sur une bande orchestre déjà finalisée, ne manque que la voix. Ou encore sur une base minimale et l'arrangement se construit autour.

     

    La prise de voix se finalise en editing: on prend un morceau de la prise 1, un soupir de la prise 2, et ainsi de suite: le tout collé fournit une belle prestation vocale. Les titres enregistrés en une unique prise sont exceptionnels.

     

    De cette première étape est tirée un rough mix qui doit encore être masterisé: on comprime le tout afin d'obtenir un tunnel sonore équilibré et cohérent. Pas de la tarte.

     

    A l'aube des enregistrements industriels (années 60), un chanteur peut choisir parmis les différentes options évoquées plus haut.

     

    Elvis, lui, ne jure que par un lexique de base: ce doit être fun, et -on y revient chaque fois- spontané et stylé. La barre est placée très haut dès lors, puisqu'il entend recréer des capacités live en studio. Sans le public, sans son énergie, ses réactions, son attention.

     

    Part II: In the recording studio

    Pour Elvis, enregistrer en studio, c'est donc commettre hérésie sur hérésie en termes techniques. Petit film d'ambiance, toutes époques confondues dans la carrière de Presley:

     

    Il faut des pistes propres? Il s'en fout, il veut la rythmique et ses choristes avec lui.

    (l'ingé son pâlit un peu et remonte trois tirettes sur la table de mixage).

     

    Il faut séparer chaque intervenant? Il fait exactement le contraire: tout le monde dans la même pièce et ne me quittez pas des yeux parce que j'entends diriger le tout comme un chef d'orchestre.

      

                                                                                                                                                                                                          1956: du black, du feeling et du perfectionnisme

    (Felton Jarvis, qui produit ses sessions, regarde ses chaussures pendant que l'ingé son, toujours lui, abaisse les trois tirettes qu'il venait de remonter).

     

    Le plus petit mouvement d'épaule, un haussement de sourcil, une crispation de la main, un doigt pointé vers les Sweet Inspirations, la batterie ou la basse, regard doux ou rageur? Aux artistes de traduire ces réflexes organique au moment-même où ils se produisent par le biai de leurs instruments. Aux techniciens d'installer la structure de captation capable d'avaler le tout. Cela s'appelle du feeling, de la soul, ce que vous voulez. Une vision intégralement organique de ce qui est sensé être préparé, calculé, millimétré et soigneusement scindé.

     

    Part II: In the recording studio

     

    Elvis veut s'assurer une liberté de mouvements aussi. Plus question d'être pendu au micro principal fixé devant lui. Solution simple: un micro à main, comme sur scène, pareil. Les « p » crachés? Pas grave. Les distances de prises qui varient tout au long de la chanson? That's nothing, man.

    (l'ingé son passe au vert dans sa cabine et Felton est allé se chercher un quinzième café).

     

     

    1961: dernières cartouches avant naufrage hollywoodien

     

    Maintenant que tout ce petit monde est installé, chacun se dit qu'on va pouvoir suivre l'ordre du jour.

     

    Pas du tout. Elvis veut du fun, il va falloir décoincer l'assistance qui est trop concentrée, trop sur ses partitions. On passera sur l'éventuel usage d'expédients qui fait que le studio ressemble assez vite à un tripot enfumé aux vapeurs douteuses. Jamais devant lui ceci dit: Elvis a la toxicomanie discrète sur ordonnance et se met en pétard (c'est le cas de le dire) quand on consomme sous ses yeux. L'énervante coterie de potes qu'il trimballe partout avec lui, surnommée la mafia de Memphis, prend de la place, plaisante, rigole aux blagues du patron qui, sous ses airs de déconne, suit cependant d'un oeil de lynx derrière ses verres fumés, au milieu de ce bordel intégral, les gestes des techniciens et les attitudes des musicos. Passé un certain stade, les comportements changent. Elvis empoigne son micro et chante ce qui lui passe par la tête. Les musicos laissent tomber les partitions et embrayent, pas le choix. Il se plante face aux choristes et les allume, les détaille, tout en chantant. Part II: In the recording studioCes noires félines et sensuelles réagissent au quart de tour et l'ensemble commence à décoller. L'ingé son qui se demandait ce qu'il fichait là ôte les pieds de la table et commence à régler ses tirettes en constatant, assez ahuri, que ce qui sort en cabine sonne, et sonne même vachement. Ca décoiffe, ça gueule ou ça murmure, en tous les cas ça fonce et c'est de l'instant présent. A chacun son job: Elvis fournit la matière -et il le sait-, à ceux dont la responsabilité est de la graver de se démmerder. D'où cette somme ahurissante d'outtakes, d'inédits, de morceaux de truc pas fini qui sortent encore aujourd'hui. Aucun autre artiste n'a dans ses coffres autant de matière: sa technique de studio très personnelle étant unique, les bobines

                                                                                                                                                                                                                         The Sweet Inspirations: We love you Boss

    tournant tout le long, tout ce qu'il fabrique en studio de son arrivée à son départ est enregistré.

     

    Maintenant que l'ambiance est posée -et que les cheeseburgers ont été livrés par dizaines pour tout le monde-, on va pouvoir se coller au programme. Felton Jarvis propose un titre, en général une acétate qui permet de considérer la mélodie du titre envisagé. Part II: In the recording studioElvis jette un oeil au texte en même temps et n'attends en général même pas que ce soit fini. Il donne une indication au batteur pour ce moment-ci, chante une harmonie à ses chères panthères noires pour ce pont-là, tape de la main sur sa cuisse pour donner une idée de ce qu'il imagine comme tempo, un guitariste (toujours la crème évidemment: James Burton ou John Wilkinson -que son patron confond avec les lames du même nom) essaye un truc ou deux pour essayer de traduire ce qu'il lui chante. Puis silence total. Ronnie Tutt, à la batterie (encore une pointure absolue dans le métier) entame un décompte aux baguettes (sympa pour l'ingé son, pour une fois, on pense à lui) et c'est parti. Take one. Elvis corrige ceci ou

    1972: Always on my mind, Elvis s'accroche

    cela et on recommence. Take 2. Le King est à température, il bouge, vit la chanson, tombe la veste, vire les lunettes, pas un intervenant qui ne le suive des yeux et n'assume sa partie en fonction de ce qu'il voit. Ca peut aller jusqu'à la take 35. C'est rare. La perfection est en général atteinte, ensemble, au bout de 5 ou 6 prises. Par acquis de conscience (le professionnalisme de Presley est une de ses qualités les plus sous-estimées) Elvis fait quelques prises supplémentaires. On ne compte plus le nombre d'enregistrements officiellement sortis qui sont en réalité la première ou deuxième prise.

     

    A ce stade, on est tellement éloigné d'un travail studio de base qu'il s'agit d'une contrée inconnue. Où va-t-on, qu'est ce qu'on fait après? Il fait jour ou nuit? Depuis combien de temps sommes-nous enfermés avec cet énergumène? Méthode organique, on suit l'humeur du boss.

     

    Quand il est en pleine forme, heureux, comme lors des sessions à Memphis en 1969, ça peut donner 39 titres finis en... 13 jours. Felton Jarvis ressort donc de cette plongée dézingué, avec sous les bras les bandes terminées, au choix, de Suspicious Minds, In the ghetto, Kentucky Rain, Wearin' that loved on look, Don't cry daddy, et des dizaines d'autres. Trois albums complets.

    D'Elvis.

    Autant dire que lorsqu'il s'amène avec ça chez les patrons de RCA, on le reçoit avec délicatesse et on salive d'avance.

     Part II: In the recording studioPart II: In the recording studio

    Au début, dans les années 50, il va sagement suivre ce qu'on lui demande, sous l'oeil attentif des pontes de RCA qui, entre deux bouffées de cigare, palpent déjà dans leur imaginaire les billets verts à venir à l'écoute du poulain un peu fou qui s'agite -c'est plus fort que lui- derrière son micro suspendu. Les accords coupés au

    1956: I can't stand still, I'm sorry Sir

                                                                                                                                                                                                                         1956: I want to do it again

    cordeau par le Colonel Parker, l'incontournable manager, sont clairs: l'artistique c'est Elvis à tous les niveaux, le business, venez dans mon bureau.

     

    Pour spontané qu'il soit, Elvis a une idée très précise de ce qui est terminé ou ne l'est pas. Premier perfectionniste blanc de l'ère rock, du haut de ses 20 ans, il épuise son monde à refaire inlassablement prise sur prise de la même chanson jusqu'à ce qu'elle corresponde à ses standards. Trente (!) prises pour Hound Dog par exemple. Dans certains titres, on l'entend claquer des doigts, de la bouche, frapper dans les mains. Ca ne se fait pas du tout, mais comme sa réputation à ce niveau n'est plus à faire, chacun laisse courir. Ca se vend par millions, ça en rapporte encore plus, alors c'est que c'est bien. Le gamin n'est pas dans ces considérations: il veut être pris au sérieux dans son travail artistique et tente par tous les moyens l' « achievement ». Mission accomplie.

     Part II: In the recording studio

    Corseté par les contrats hollywoodiens du Colonel dans des comédies musicales de plus en plus navrantes pendant les sixties, Elvis loupe musicalement tout ou presque de ces années décisives dont il est à l'origine. S'il est une superstar, le chanteur le plus connu -et le plus riche- au monde, sa frustration atteint des sommet. Ne pas être pris au sérieux musicalement est la pire insulte qu'on puisse lui faire et observer cette industrie qu'il a mise sur pied sans plus y participer en rien lui est insupportable.

    Il enregistre tout et n'importe quoi au kilomètre et c'est une période qui le voit travailler avec une passivité énervante. Il se rend aux studios A ou B de Hollywood comme d'autres vont au bureau, tente de tirer quelque chose de la soupe qu'on lui donne à chanter en reprenant les commandes par moments intermittents mais globalement il balance avec une attention déficiente et un investissement personnel réduit au minimum.

     

      

    1961: pompes bleues et feutre sur la tête

    1968 le voit renaître de ses cendres et passer du presque has-been au King réhabilité en une seule émission télévisée sur NBC.

    Part II: In the recording studioMoralité: en 1969, il bosse en studio comme il ne l'avait plus fait depuis 1956: Part II: In the recording studiosans pilules, concentré, créatif, motivé, avec une montagne de titres nickels à mettre en ordre. Les idées fusent, la technique reste traditionnelle si ce n'est que c'est Elvis, ce qui veut dire qu'on a au micro un type qui vous transforme une chanson en standard en une prise.

      

    1969, American Sound Studio, Memphis: Elvis et son band, session de légende, musique de légende                                            1969: avec Chip Moman, qui produit.

    Il a une angine carabinée, mais ne quitte pas le studio et achève de graver un titre après l'autre.

     

    A partir de 1970, selon son humeur, la session peut partir dans un tout autre sens que celui originellement prévu. Il y eut ainsi une session rock'n roll qui vira au pur country, parce qu'il n'avait pas envie de faire autre chose. Que fait RCA? Elle annule le projet, prend le tout et le sort sous le titre « Elvis country ». Comme l'oeuf de Colomb, il suffisait d'y penser.

     Part II: In the recording studio

    Elvis va ensuite enregistrer de façon plus irrégulière. Rattrapé par sa vie privée qui part en morceaux et sa consommation médicamenteuse qui croît de façon exponentielle, il s'installe tantôt dans des studios à Memphis, à Nashville ou encore à Los Angeles.

      

    Il enregistre un second album de Gospel en 1971, plutôt dans les vappes et le moral dans les sabots. C'est l'une des sessions les plus camées du King, tout le groupe est high en permanence, entre la dope et les pilules, tout ce petit monde enregistre des hymnes religieux américains avec force foi.

     

    Il enregistre encore à Memphis en 1973, aux studios Stax, la crème de la musique

    Studio A, Nashville, 1971: plus sobre qu'un pinson

    soul à cette époque sur le continent américain. Le résultat des sessions Stax est inégal: le très bon cotoie le vite-fait et ce sont encore des jams spontanées qui réservent, après traitement et remixage, les meilleurs titres. Il parvient encore à emballer le travail de studio avec une rapidité et une aisance rares, mais le coeur n'y est pas toujours.Part II: In the recording studioPart II: In the recording studio Il vient de divorcer, Priscilla vit à Los Angeles et a emporté sa gamine, un musicien le décrira comme « down, down, down, he was super down, that's all ». Fait unique: il se montre deux jours de suite avec les mêmes fringues. L'entourage comprend que le bateau va au-devant de sérieux ennuis. Elvis travaille néanmoins de façon professionnelle et livre les bandes. Le résultat est bon mais passablement déprimé.

     Studios Stax 1973, rien ne va plus

    En 1975, Presley enregistre un nouvel album à Hollywood. Ca faisait longtemps. Les chansons sélectionnées sont un peu plus énergiques. Du rock mâtiné de country (T-R-O-U-B-L-E), de la country pure (Susan when she tried, Fairytale), de la pop carrée (I can help) ou sentimentale

     

                                                                                                                                                                                                                                              Studios Stax 1973: I don't even want to be here

     

    (Pieces of my life) et des standards (And I love you so, Green green grass of home) pour compléter le tout. Travail propre, exécuté avec talent et un engagement parfois bien réel, mais on ne peut s'empêcher de noter une forme de lassitude, un retrait qui transparaît dans la globalité de l'album.

     

    Fin 1976, deux sessions sont organisées. RCA ne parvient plus à le faire rentrer en studio. Reclus chez lui, sa santé physique et mentale en modes crash, la simple idée de se coltiner des nuits et des jours de boulot lui demande une énergie qu'il ne sait plus où chercher.

    Le Colonel Parker le met face à ses obligations contractuelles (par voie de courrier, lui non plus ne parvient plus à le voir) et Elvis accepte... qu'un studio soit installé chez lui à Graceland.

    Part II: In the recording studio

    Des techniciens viennent installer le matos dans la Jungle Room, une pièce de 12 mètres sur 7 qu'Elvis a décoré en 45 minutes un beau jour de 1974 en achetant la moitié d'un magasin de meubles polynésiens, sa tocade du moment.

     

    1976, une belle vision panoramique de la Jungle Room à Graceland, avant qu'elle ne soit transformée en studio

    Moquette épaisse au sol et au plafond, l'endroit peut tout à fait convenir. Un camion technique, normalement utilisé pour les prises de son de concerts, est garé à côté du bâtiment principal du manoir et des câbles sont tirés.

     Part II: In the recording studio

    Ce sera la session la plus triste et la plus remarquable des dernières années de Presley. Il en existe un album reprenant les enregistrements bruts (The Jungle Room Sessions).

     

    Le camion prise de son de RCA sur le côté de Graceland

    Pendant de (très) longues heures, les musiciens et techniciens passent leur temps à ne rien faire, on attend que le patron sorte de sa chambre où il est claquemuré. Il fait monter ses choristes et leur offre vêtements ou bijoux. Part II: In the recording studioLeur dit qu'il va arriver. N'arrive pas. Fait monter les musiciens un par un pour leur offrir un cadeau à eux aussi (bijoux, voiture, bus de tournée, vêtements, avec Elvis, il faut s'attendre à tout). Felton Jarvis, le producteur des sessions Presley qui est toujours là, fidèle au poste (Elvis lui a payé sa greffe de rein l'année précédente après avoir passé un coup de fil pour accélérer sa place en liste d'attente) attends lui aussi. La star n'emmerde personne, ne gueule pas, ne fait pas de caprices, il n'est tout simplement pas là. Comment lui en voudraient-ils? Chacun sait qu'il ne va pas bien, qu'il est déprimé, qu'il se cache, qu'il a peur que l'on se moque de lui, qu'on le trouve vieux ou gros, qu'il est terrorisé par le bouquin que ses trois ex-gardes du corps sont en train de pondre à son sujet. Et surtout, Hiroshima personnel, il a peur que sa voix le trahisse. Des années d'abus et le stress ont provoqué chez lui en 1976 un phénomène de tremblement dans le timbre, un côté mal assuré qui n'était jamais apparu auparavant. Le problème lui a explosé à la figure pendant l'été en tournée, avec certaines dates douloureuses à entendre (ces concerts existent en marché parallèle... et celui de Hampton Roads en août 1976 par exemple, est un supplice). Sa choriste soprano opératique, Kathy Westmoreland, qui chante parfois au Met de New York, connaît par coeur les capacités de son patron.                                                                                                                                     Elvis interdit les photos lors de la session de 1976.

                                                                                                                                                                                                                                         Une seule survécut: il lui fallait une photo d'identité.

                                                                                                                                                                                                                                          Le regard dit tout ce qu'il faut savoir.

    Elle dira: « Vous savez, j'avais des collègues au Met qui crevaient de trouille en entendant ce qu'Elvis faisait avec sa voix. Des Si ouvert à pleins poumons en voix de poitrine, ce genre de choses... il n'avait jamais pris un cours de sa vie, aucune technique, rien. Mais il avait un vibrato doux et naturel, une tessiture élastique de presque 4 octaves, autant qu'un chanteur d'opéra chevroné, il pouvait chanter en baryton, en ténor, en fausset, le tout à la fois et dans n'importe quel style, c'était assez incroyable d'assister à ça. Les autres se demandaient comment il y arrivait mais lui, il faisait simplement confiance à sa voix et ça marchait. Beaucoup de ces choses sont arrivées sous mes yeux en concert, le travail en studio ne rendra jamais justice à toutes ses capacités. Il m'est arrivé des moments où je suis restée bouche-bée à l'écouter sur scène, où l'on se regardait avec les Sweets en n'y croyant pas».

     Part II: In the recording studio

    Elvis apparaît finalement. Le travail peut commencer, au ralenti. Elvis indique ce qu'il souhaite, les musiciens travaillent. L'époque des partitions jetées par terre est révolue: chacun a le nez sur son papier et prends des notes. A un moment, pendant qu'ils travaillent de leur côté, Elvis s'assoit dans l'escalier menant à la pièce transformée en studio. Il a une vue d'ensemble sur son groupe, ces talents réunis par et pour lui. Il voit aussi que tous ses « amis », sa bande de potes collées à ses basques 24/7 n'est pas là pour encourager, applaudir ou donner des idées. Il n'y a que des musiciens qui font studieusement leur boulot et lui qui les observe. Felton s'assoit à ses côtés, lui demande si tout va bien. Il l'observe, dix ou vingt secondes de silence passent et lâche: « ils commencent à me traiter comme un morceau de viande »...

      

    Les titres issus de ces sessions sont du grand Elvis. Certainement pas son plus commercial. Ni son plus énergique. Mais un désespoir palpable plane sur chaque morceau, choisi à dessein par leur interprète. « The last farewell », « It's easy for you », « He'll have to go », « Hurt », « Never again », « Love coming down », « Way down », rapides ou lents, tous sont crépusculaires. Ce qui revient à démontrer une fois encore l'incroyable capacité de communication de Presley. Ce n'est plus fun, ça, c'est fini. It's all about sadness. Et en ce sens, spontanéité et style, sa marque de fabrique, son mantra, sont respectés.

     

    Son bassiste, par amitié et en ayant l'espoir de le réveiller avec la seule chose qui le puisse encore, à savoir la musique, lui a fait un cadeau magnifique: une chanson. Un rock pur et dur, « There's a fire down below ». Elvis écoute, remercie. Il veut l'enregistrer. Le groupe est au point. Et il ne reste malheureusement de ce titre qui aurait pu devenir un tube que l'enregistrement orchestral. Elvis n'y a jamais posé sa voix.

     Part II: In the recording studio

    Une session studio est organisée pour janvier 1977. Felton réserve les musiciens, les choristes, trie les chansons. Beaucoup de rock, mâtiné de funk même (rien de surprenant en réalité: James Brown et Elvis sont très amis et se voient régulièrement).

    Une session organisée comme un effort pour donner vie à quelque chose qui bouge.

     

    Felton attendra 4 jours avec le groupe.

    Elvis fait annuler la session et ne passera plus la porte d'un studio.

    Il meurt 7 mois plus tard.

     

     

     

     


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